La gauche d'aujourd'hui utilise l'immigration comme fer de lance, mais a fini par en oublier ceux pour qui elle se battait : les ouvriers. Depuis, toute observation qui présente une dimension raciale est automatiquement considérée comme raciste. Pourquoi la gauche est-elle aussi perdue ?
Un troc ! C'est à un véritable changement de peuple qu'a procédé la " gauche bobo " depuis Mai 1968. Hier, elle était pleine de sollicitude pour la classe ouvrière censée détenir, selon Marx, les clés de la société future. Aujourd'hui, elle manifeste une " préférence immigrée " : dans les catégories populaires, ce sont les enfants des anciens peuples colonisés qui trouvent désormais grâce à ses yeux. Oubliés, relégués, les ouvriers sont accusés d'avoir sombré peu à peu dans le lepénisme, de vouloir une France coupée du reste du monde. Pour cette " gauche bobo ", les immigrés représentent au contraire la " jeunesse du monde " qui, seule, peut régénérer un vieux pays sur le déclin, la France. Le problème est que cette " préférence immigrée " fait figure de lepénisme à rebours : comme la " préférence nationale " du FN, elle a une dimension discriminatoire.
Hervé Algalarrondo, journaliste au Nouvel Observateur, est l'auteur de plusieurs ouvrages qui vont de l'essai au roman, parmi lesquels Les Beaufs de gauche (Jean-Claude Lattès, 1994), un pamphlet sur la gauche réflexe, et Les Derniers Jours de Roland B. (Stock, 2006), un récit sur la mort lente de Roland Barthes.
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