Ce texte de « pseudo-fiction » évite la banalité des souvenirs personnels en privilégiant l'approche du vocabulaire comme base de la mémoire. C'est bien par les mots que la mémoire atteint un but parfois surprenant. Elle est notre patrimoine qui se désintègre quand les mots n'ont plus d'écho. Le passé ressurgi conduit moins à la nostalgie qu'à l'étonnement. Ce qui fut vécu apparaît comme relevant de l'inconnu. Il en résulte une évocation – où l'humour n'est pas absent non plus qu'une discrète poésie – qui aboutit à une sorte d'ethnographie traitant des humbles – essentiellement ceux du monde paysan – mais aussi d'un style d'éducation et de formation intellectuelle devenu exotique. Les guerres qui ont ravagé les terres picardes sont vues par des témoins « d'en bas » avec une authenticité prenante. Les modes de vie d'une ruralité à jamais disparue laissent des traces inscrites dans le langage. Un personnage féminin au parcours modeste s'impose au gré des souvenirs en dépit de son apparente insignifiance. L'écriture alternant les formes verbales du passé et du présent rend perceptible le jeu de la mémoire et des mots. Ces pages sont un hommage à la langue française, à la variété et à la richesse des mots qu'il convient de révérer et de préserver, sans que le parler du vieux pays soit oublié, celui des gens dont nous venons avec plus ou moins d'intermédiaires.