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Présentation (par Denis Gril) Abū ‘Abd al-Rahmān al-Sulamī est avant tout réputé historien du soufisme et compilateur de traditions, ordonnées selon les genres en usage : dictionnaire biographique, commentaire coranique, monographies sur des sujets variés, telles qu’en a produit dans le registre religieux et éthique, la littérature d’adab. Une telle réputation est largement partagée par les auteurs musulmans, à quelques rares exceptions, et les orientalistes. Il est significatif que Sulamī ait été quasiment exclu de la tradition hagiographique qu’il a contribuée à mettre en place. Comme le relève avec pertinence l’auteur de ce livre, il faut voir là l’efficacité d’une stratégie d’écriture, dans la tradition des Malāmatis (les Hommes du Blâme) dont Sulamī s’est fait l’héritier et le continuateur. Cependant, loin de s’enfermer dans une tradition particulière, en choisissant de fonder son oeuvre sur la transmission de l’enseignement spirituel du Prophète et des maîtres de la Voie, il joue un rôle décisif dans l’élaboration du soufisme, en faisant converger vers un même but l’enseignement des représentants de la spiritualité musulmane du IIe au IVe siècle de l’Hégire. Il contribue ainsi discrètement mais efficacement à la défense d’un soufisme empreint de sobriété et de rigueur, ainsi qu’à l’énoncé d’une doctrine de la sainteté où se révèlent ses affinités avec al-'akīm al-Tirmidī et plus tard Ibn ‘Arabī, par delà les différences de style. Il joue donc un rôle charnière entre le IVe et le Ve siècle de l’Hégire où les premières voies du soufisme commencent à prendre forme en Orient. Il est important de rappeler que l’éclairage nouveau que Jean-Jacques Thibon jette sur l’homme et l’oeuvre est le fruit d’une lecture attentive et méthodique des sources. Sa présentation de vingt-cinq textes de Sulamī offre un précieux outil de travail qui rendra bien des services et pourra servir de modèle pour l’étude d’autres auteurs.