Texte magnifique, indispensable, et si lourd de contradictions.
On est en 1929. Le Parti communiste de l'Union soviétique, 12 ans après sa révolution, fait son VIe congrès, et invite des écrivains étrangers.
Tout le nouveau pays, qui fédère Russie, Ukraine, Crimée, Géorgie est un chantier : amener l'électricité, poser des rails, mener à bien la révolution agraire.
C'est une utopie avant qu'elle s'écroule. Staline intervient au Congrès sur les questions agricoles.
Ce qui frappe dans le regard de Barbusse, c'est comment la découverte d'un continent, le mystère des villes (ah, Nijni-Novgorod) se mêle – parce qu'on est en Union soviétique – du regard sur les usines, le travail. Alors la vieille Russie et son chantier moderne se superposent, et lui il dérape.
Il va en Crimée, en Ukraine, il rencontre l'homme le plus vieux du monde (merveilleux récit, que cette rencontre avec l'homme de 146 ans), comme il rencontre Clara Zetkin, et Maxime Gorki.
Il a une mission : construire l'Europe antifasciste. L'hydre a montré sa tête. Quand et comment Barbusse glisse-t-il ? Il fait sien l'idéal soviétique et le transpose à la littérature. Ce qui est paradoxal, dans ce livre, c'est que la charge infâme contre Proust, Gide, Giraudoux et autres Cocteau se fait au nom d'une injonction morale qu'aurait la littérature, pour agir sur les temps neufs.
Il faut aussi lire Barbusse, là où il se trompe, parce que nous ne sommes pas indemmes de ce culte de l'écriture prolétarienne, de la manie concernant l'engagement, et que Proust était bien plus près de Dostoievski et Tolstoï que Barbusse pourra l'être jamais.
Reste son voyage, les visages, les paysages. Reste ce défi à toute l'histoire du monde qu'est la révolution russe dans son élan. Et ici, tout y est comme prélevé vivant, au couteau.
Notre histoire.
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